Effets de textes
S’il est vrai que la textualité n’a pas d’existence en soi, hors de l’activité de lecture, le texte n’en reste pas moins un dispositif à la fois disponible et rétractile. Il ne devient tel qu’à partir du moment où l’énoncé, quittant l’univers socio-empirique des événements de parole fugitifs, se fixe, plus ou moins durablement, à distance de son origine et des discours concomitants. Sans en revenir à l’archaïque conception immanentiste faisant du texte une totalité intangible dépositaire de sens qu’on devrait se contenter d’expliciter, voire de contempler, force est d’admettre qu’il excède l’euphorique coopération interprétative de lecteurs qui ne le sont jamais que par accident. Cet ouvrage présente l’analyse approfondie de textes (écrits par Racine, Voltaire, Nodier, Poe, Jarry, Proust, Roussel, Segalen, Fargue, Queneau, Perec, Brassens ou encore Lévi-Strauss) qui appartiennent à des genres et à des époques variés. Échappant au contexte de production et résistant aux tentatives de systématisation, leur mise en forme singulière ne se subordonne à des modèles (discursifs, génériques, typiques, etc.) que pour mieux les transcender. Parce qu’elle n’est pas une stylistique ni une poétique, moins encore une esthétique, et qu’elle n’a pas les exigences de la didactique, la linguistique textuelle est à même de cerner sans préjugés, et sans s’ériger en corps de doctrine normatif, ces effets dissipatifs qui éprouvent son efficace et ses limites opératoires.