L’Académie brésilienne des lettres pendant la dictature militaire
Les intellectuels conservateurs entre culture et politique
Le but de cet ouvrage est d’étudier comment l’Académie brésilienne des lettres – officiellement « apolitique » – a pu être une instance de légitimation de la dictature militaire (1964-1979). L’histoire de l’ABL depuis sa fondation – notamment grâce au « profilage » familial, scolaire et professionnel de ses membres – permet de comprendre son poids dans le champ culturel brésilien des années 1960 et 1970. « Structure culturelle conservatrice », l’ABL émane des oligarchies rurales et urbaines, latifondiaires et entrepreneuriales, comme lieu de sociabilité des élites de droite où s’élabore un discours conservateur. Les mondanités partagées et les visites officielles qu’échangent académiciens et officiers de l’État-Major et de l’École de guerre nourrissent la construction d’une mythologie de la Nation largement diffusée par les médias. Certains académiciens s’engagèrent personnellement en faveur du régime, non pas en entrant dans l’appareil d’État mais en revenant aux grandes interprétations du passé national, en particulier celles de Gilberto Freyre, inventant un pays imaginaire, multiracial et pacifique, hostile aux luttes sociales. S’il n’y a pas eu collaboration à proprement parler, il y a eu complicité. C’est ce comportement de l’ABL, en particulier ses degrés d’acceptation du régime et ses encouragements au civisme et au patriotisme qui ont joué le premier rôle dans ce processus.
Spécialiste de l’histoire politique et intellectuelle du Brésil, D. Cunha est docteur de l’Université Paris 1, enseignant-chercheur à l’Université Fédérale du Pernambouc (Brésil) et actuellement en post-doctorat en science politique.
En couverture : Austregésilo de Athayde, secrétaire perpétuel de l’Académie,
accueille le général président João Figueiredo à l’inauguration du Centro cultural do Brasil (Rio de Janeiro, 20 juillet 1979), cliché ABL.