Les Marques du scénario modal – Études contrastives
Toute langue permet à la fois de représenter la réalité et de porter un jugement de vérité sur cette réalité, par l’emploi de marques dites « modales ».
Dans les études sur la modalité, c’est traditionnellement au locuteur que l’on attribue la responsabilité d’un jugement de vérité des propositions énoncées. Or, de nombreuses marques modales (subjonctif, conditionnel, marques d’interrogation, de médiatif, etc.) sont décrites en termes de « non-prise en charge » ou d’« indétermination », comme si les locuteurs passaient l’essentiel de leur temps à proférer des énoncés sans pouvoir leur attribuer une valeur de vérité.
Dans ce travail, nous supposons au contraire que l’échange et l’obtention de propositions « vraies pour » constituent une fonction primordiale et quotidienne du langage, et que l’usage de marques modales différentes correspond à des façons différentes d’attribuer les responsabilités véridictionnelles, à condition de se décentrer du seul locuteur. À partir de données du français, du coréen et d’autres langues, nous posons, aux côtés du locuteur, différents acteurs modaux susceptibles de prendre en charge la vérité propositionnelle. Ceci nous permet de concevoir un « scénario modal » plus complexe et plus à même de décrire les marques modales dans leur diversité, leur polysémie, et leur arbitraire à travers les langues