Opuscules sur la grammaire
Au tournant du XVIIIe siècle, Louis de Courcillon abbé de Dangeau (1643-1723) fonde la phonologie. Il décrit pour la première fois 33 « sons simples » de la langue française par paires oppositives minimales, découvre l’opposition entre consonnes sourdes et sonores, identifie les liquides, définit /ɔ̃/, /ɑ̃/, /œ̃/ et /ɛ̃/ comme des « voyèles nazales », étend le concept de nasales aux consonnes /m/ et /n/, explique pourquoi les graphies « au » (ou « eau »), « eu » et « ou » sont des « voyèles simples ». Il donne sur cette base deux réformes de l’orthographe d’usage. La première, que l’on peut dire « de dicto » car jamais appliquée, est inspirée de Port-Royal. La seconde, que l’on peut dire « de re » car effectivement mise en œuvre, consiste à :
1° Remplacer les « lettres grecques » par les « lettres latines » équivalentes : alfabet, gèografie, silabe… et supprimer « les lettres inutiles » : ébraïque, ritme, vint (pour vingt)…
2° Remplacer le x muet final par s : jeus, oiseaus, deus, dishuit…
3° Remplacer les consonnes doubles prononcées simples par des consonnes simples : come, dificulté, ocasion, vilage…, on pouroit…
4° Remplacer en (pour noter /ɑ̃/) par an : anfant, antier, consantemant…
5° Remplacer e ouvert + consonne double par e accent grave + consonne simple : èle, cète, ènemi, lètre, nouvèle, voyèle ; il jète, ils viènent… ; et réserver l’accent aigu aux fins de mots : rèformé…
6° à quoi s’ajoutent la réduction du nombre de traits d’union : dîje, peutêtre, dishuit… et le remplacement du c cédille par s : les Fransois.
Cette réforme est à peu de choses près celle que préconisait la Commission Beslais en 1965 ; elle préfigure celle que recommande l’association Érofa (Dictionnaire de l’orthographe rationalisée du français, 2018) ; elle attend toujours sa réalisation.
En couverture : l’abbé de Dangeau et l’abbé de Choisy, gravure de Sébastien Leclerc pour les Quatre Dialogues, 1684.
Préface de l’éditeur téléchargeable (ci-contre).
Erratum de la préface : L’auteur d’Histoire des théories du temps dans les grammaires françaises est Jean-Marie (et non pas Jean-Michel) Fournier.