Phrase, énoncé, texte, discours : De la linguistique universitaire à la grammaire scolaire
Comment la grammaire française, issue de l’étude de langues mortes — le grec et le latin — s’est-elle accommodée, depuis les années 1970, de l’entrée dans les programmes scolaires de sa description scientifique, qui découvre dans le français une langue vivante ? Se limitant à quatre mots décisifs — phrase, énoncé, texte, discours — employés tant par les sciences du langage que par les programmes officiels de l’enseignement du français en collège et en lycée, et par les manuels scolaires correspondants de la sixième à la terminale littéraire, le présent ouvrage montre les contradictions inhérentes à cet aggiornamento didactique et pédagogique. L’école reste (c’est sa raison d’être) le monde des écrits normés, et l’enseignement du français garde pour but l’apprentissage par les élèves de la meilleure façon de s’exprimer «en société». Telle la chèvre de Monsieur Seguin, la classe de français rêve de s’affranchir de son piquet pour gambader dans le langage, mais, obéissante, elle se cantonne à l’étude et à l’application de la langue telle que l’a définie Saussure : la rencontre d’un dictionnaire et d’une grammaire, en l’occurrence dans les copies des élèves. La transmission de savoirs linguistiques par le maître aux élèves devrait relever d’un processus de «reconfiguration didactique» des savoirs savants. Or, l’élaboration du cours de français, particulièrement en grammaire, telle qu’on peut l’observer dans les Instructions officielles et les manuels scolaires, semble davantage relever d’une «transposition», voire d’une «recomposition», que d’une vulgarisation diachroniquement homogène et synchroniquement cohérente. À l’arrivée, c’est le concept même de «transposition didactique» dans le champ de l’enseignement du français qui est remis en question, ce qui amène à s’interroger sur les moyens de faire de la grammaire scolaire et de la didactique du français des disciplines au sens scientifique du terme.