Pour en finir avec la sociolinguistique
Née au milieu du XXe siècle, la sociolinguistique a d’abord constitué une rupture avec la linguistique structurale, décidément aveugle aux rapports entre langage et société.
Partant d’un article de Meillet («Comment les mots changent de sens») paru en 1904, pour qui la langue est d’abord un fait social, elle n’a pas vraiment approfondi cette direction de recherche et a peu à peu éclaté en divisions byzantines davantage déterminées par des choix politiques que par des études de terrain et des justifications théoriques.
Louis-Jean Calvet en parcourt ici l’histoire depuis les tentatives de linguistique marxiste jusqu’aux avancées de l’anthropologie linguistique. Après avoir présenté un certain nombre de cas concrets qui vont de la situation sociolinguistique dans l’Athènes de Périclès jusqu’à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il propose une réflexion sur les liens entre le social et la langue. Celle-ci est-elle une invention des linguistes? Un ensemble de pratiques? Un lieu de rapports de force? Un objet d’intervention? Les réponses à ces questions appellent la linguistique à se repenser de façon à assumer de façon scientifique la nature sociale de la langue et du langage.
Dès sa première publication (Linguistique et colonialisme, dans laquelle il lance le concept de glottophagie), Louis-Jean Calvet analyse les rapports entre le discours linguistique et le discours colonial sur les langues, puis les liens entre langue et pouvoir (La Guerre des langues) et le rôle linguistique de la ville (Les Voix de la ville). Il participe ainsi à la création d’une sociolinguistique française dont il est un des représentants les plus connus. Auteur d’une trentaine d’ouvrages spécialisés, traduit en une vingtaine de langues, il est invité dans de nombreuses universités aux quatre coins de la planète où il poursuit son activité de chercheur, d’enseignant et de critique.
En couverture : dessin à l’encre de Chine d’Albert Marquet, sans date.